La Newsletter d'Hugo Clément

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Par Hugo Clément
3 avr. · 6 mn à lire
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Ce ministre a pris une décision ahurissante

Il pensait peut-être que personne n'allait tomber sur ce document, mais quelqu'un me l'a envoyé... Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, vient d'autoriser l'utilisation de l'Avanza, un herbicide très toxique pour les organismes aquatiques, en temps normal interdit en France. Et ce produit sera utilisé... dans les rizières de Camargue !

Salut tout le monde !

J’espère que vous allez bien et que vous avez eu la chance de profiter du week-end de Pâques.

J’écris cette newsletter dans le train car je pars en tournage pour Sur le front. Le prochain épisode (déjà tourné) sera diffusé le lundi 15 avril à 21 heures sur France 5, et aura pour thème “Fromages : où est passé notre terroir ?”. Une enquête à ne pas rater pour découvrir ce qu’on vous cache sur l’un des produits phares de la gastronomie française.

En attendant, bonne lecture et prenez soin de vous.

Hugo

À Vakita, on commence à avoir l’habitude des mauvaises idées de Marc Fesneau, notre ministre de l’agriculture, qui se vante de dire du bien des pesticides et qui défend systématiquement l’agro-industrie. Mais alors là… il arrive quand même à nous surprendre !

Il y a quelques jours, on m’a envoyé un document officiel, émanant du ministère de l’Agriculture. Il s’agit d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit phytosanitaire, l’Avanza. Cet herbicide, fabriqué avec la subtance active benzobicyclon, est en temps normal interdit en France. Le benzobicyclon n’est d’ailleurs pas encore homologué au niveau européen. Mais l’État a décidé d’accorder une dérogation pour permettre son utilisation du 15 mars au 11 juillet.

Un produit “très toxique pour les organismes aquatiques”

L’Avanza est conçu pour tuer les mauvaises herbes dans les cultures de riz, et il a été autorisé sur demande des riziculteurs de Camargue. Le problème ? Cet herbicide est classé “très toxique pour les organismes aquatiques” et entraîne “des effets néfastes sur le long terme”. Or, il doit être appliqué dans des rizières inondées, où vivent justement des organismes aquatiques, comme les grenouilles.

 Le document autorisant l'utilisation de l'Avanza en France   jusqu'au mois de juillet. Le document autorisant l'utilisation de l'Avanza en France jusqu'au mois de juillet.

Pire encore : l’eau des rizières s’écoule ensuite dans le réseau hydraulique de la Camargue et l’Avanza risque donc de contaminer cet écosystème très fragile classé Natura 2000. Consciente de la dangerosité de son produit, la firme agro-chimique qui fabrique l’Avanza demande que les rizières ne soient pas purgées dans les 7 jours suivant l’utilisation de l’herbicide, pour que la molécule se dilue dans l’eau avant de rejoindre le milieu naturel.

Sauf qu’en réalité, les rizières ne sont jamais 100% étanches. J’ai longuement échangé à ce sujet avec Bernard Poujol, qui a été riziculteur en Camargue pendant 45 ans. Il a géré un domaine de 1000 hectares en conventionnel avant de passer en bio car il voyait “toute la faune sauvage disparaître” et qu’il “culpabilisait”. Il a ensuite produit du riz bio durant deux décennies, en utilisant des canards pour désherber naturellement ses rizières, avec un rendement tout à fait comparable à la riziculture conventionnelle.

Bernard m’a expliqué que les fuites des rizières vers le réseau hydraulique sont inévitables, notamment à cause des trous réalisés par les ragondins ou les écrevisses américaines. Il m’a dit qu’il n’avait jamais connu une seule année sans fuite, y compris pendant les périodes de traitement, avant qu’il soit installé en bio. En Camargue, il y a d’ailleurs des hommes dont le travail consiste spécifiquement à faire le tour des rizières pour colmater les fuites.

Bernard Poujol avec ses canards dans ses rizières en Camargue, avant sa retraite. (photo DR)Bernard Poujol avec ses canards dans ses rizières en Camargue, avant sa retraite. (photo DR) 

Selon Bernard, prétendre que les rizières peuvent être totalement étanches et retenir les produits phytosanitaires comme l’Avanza à l’intérieur des parcelles, est un mensonge. Il y a donc un risque que cet herbicide, rappelons-le “très toxique pour les organismes aquatiques”, se retrouve dans les cours d’eau et les étangs de Camargue, avec les conséquences que l’on peut imaginer sur la faune sauvage.  

Et au-delà de l’impact direct sur tous les animaux qui vivent dans l’eau, l’Avanza pourrait aussi menacer la flore naturelle camarguaise. Après tout, ce produit est fabriqué pour tuer des plantes… J’ai discuté au téléphone avec le directeur de la réserve nationale de Camargue, Gaël Hemery, qui s’inquiète notamment pour le célèbre étang du Vaccarès, qui est déjà en très mauvais état de conservation.

 Des flamands roses sur l'étang du Vaccarès. Des flamands roses sur l'étang du Vaccarès.

“Depuis 12 ans, on fait des analyses d’eau tous les mois entre avril et septembre pour rechercher la présence de 700 molécules, précise Gaël. On trouve un peu de tout. Il y a une pollution qui vient du Rhône et une pollution endogène, propre à la Camargue, avec les herbicides et les insecticides utilisés pour la culture du riz. Il faut savoir qu’une molécule d’eau qui entre dans l’étang du Vaccarès met au moins 30 ans pour en sortir, ce qui cause des pollutions chroniques pendant des décennies. Aujourd’hui, les herbiers de Zostère ne recouvrent plus que 3% de l’étang, contre 45% en 1992. On parle d’effondrement écologique avec ce type de dynamique. L’écosystème est officiellement classé en mauvais état de conservation depuis trois ans, à tel point qu’il y a un plan de sauvegarde.”

Gaël Hemery trouve cela “choquant” que l’Avanza soit autorisé dans un milieu aussi fragile, d’autant plus que la réserve n’a pas aujourd’hui les moyens techniques pour détecter cet herbicide dans l’eau, car il s’agit d’une nouvelle molécule.

Inquiétudes pour l’eau potable

Et il y en a une autre qui voit rouge, c’est Christelle Aillet, la maire des Saintes-Marie-de-la-Mer, la capitale de la Camargue. Elle a publié un communiqué de presse samedi dernier pour faire part de son “incompréhension” et de son “effarement” suite à l’autorisation de l’Avanza.

Elle craint une contamination des milieux naturels mais aussi de l’eau potable de sa commune, qui est pompée dans le Petit Rhône, où est rejetée une partie de l’eau des rizières après les traitements ! L’inquiétude est forte, car le site de captage de l’eau potable des Saintes-Marie-de-la-Mer se trouve en aval des points de rejets des riziculteurs…

Précisons que ni la maire ni le directeur de la réserve n’ont été informés par le ministère de l’autorisation de l’Avanza. Christelle Aillet attend des garanties et des éclaircissements de la part des services de l’État, sans quoi elle “se réserve le droit d’attaquer en référé suspension cette décision devant la justice administrative”.

Le ministre de l’écologie n’était pas au courant de cette dérogation

Y a-t-il des risques pour la santé humaine ? Pour répondre à cette question, j’ai demandé à plusieurs écotoxicologues d’analyser les données disponibles sur l’Avanza, qui est encore très mal connu par les chercheurs. Tous m’ont fait part de leurs inquiétudes, pointant des risques sur les reins et le foie. Ils se heurtent également à un manque d’informations pour savoir si l’Avanza est, ou non, un perturbateur endocrinien et estiment que les tests réglementaires sont incomplets. Difficile d’en savoir plus pour le moment.

De son côté, Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée à l’agriculture, qui dépend de la tutelle de Marc Fesneau et que j’ai eue au téléphone, m’indique que c’est la quatrième année qu’une dérogation est accordée à l’Avanza, que d’autres pays européens l’utilisent, que les doses autorisées sont “très limitées”, et que les risques ne sont pas avérés. Je vous laisse juges de ces arguments.

J’ai également sollicité le ministre de l’écologie Christophe Béchu, à qui j’ai appris l’existence de cette dérogation. Il m’assure qu’il n’était pas au courant et qu’il n’a pas été consulté au préalable.

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1- Une nouvelle orque est morte à Marineland

Cette fois, c’est Inouk qui est morte. C’est le deuxième décès d’orque en cinq mois au Marineland d’Antibes. En octobre, c’est Moana qui était morte à seulement 12 ans, selon le parc, d’une “septicémie bactérienne aiguë”. Concernant Inouk, les résultats de l’autopsie n’ont pas encore été communiqués. Dans la nature, une orque vit souvent plus de 50 ans et peut même atteindre les 90 ans. Inouk, elle, n’avait que 25 ans. Une “vie” passée enfermée dans des bassins, ce qui provoque inévitablement du stress et des problèmes physiologiques chez ces animaux faits pour nager des centaines de kilomètres dans les océans.

En septembre dernier, la justice exigeait une expertise sur les conditions de vie des orques de Marineland, à Antibes. Selon l’association de protection des animaux One Voice, l’état de santé des deux orques mortes était jugé “piteux” : des lésions sous-dermiques, des dents usées et des comportements répétitifs et stéréotypés, signes d’une santé mentale fragile, avaient été notés.

“Nous allons déposer plainte pour les mauvais traitements, parce qu’il n’est pas normal qu’une orque de 25 ans décède dans des conditions sur lesquelles nous avons alerté”, a expliqué Muriel Arnal, la présidente de One Voice, sur FranceInfo. “Cela fait cinq ans que nous disons d’Inouk, rapports de scientifiques à l’appui, qu’elle n’est pas en bonne santé, qu’il y a des problèmes à Marineland”, a-t-elle ajouté.

Aujourd’hui, il ne reste plus que deux orques à Antibes : Wikie (22 ans), sœur d’Inouk et mère de Moana, et Keijo (10 ans), fils de Wikie. Tous sont nés à Marineland. Ces deux orques sont les derniers à être en captivité en France. L’enfermement des cétacés à des fins de divertissement deviendra illégal dans notre pays en 2026.

2- Des droits juridiques pour les baleines semblables aux humains

Le roi des Maoris de Nouvelle-Zélande a lancé, le 28 mars, un appel pour reconnaître aux baleines le même droit qu’aux humains : celui de vivre dans un environnement sain, afin de faciliter la restauration de leurs populations menacées. “Le chant de nos ancêtres (les baleines, NDLR) s’est affaibli et leur habitat est menacé, c’est la raison pour laquelle nous devons agir maintenant”, a déclaré le roi Tuheitia, dans un communiqué.

En 2017, la Nouvelle-Zélande avait déjà doté d’une personnalité juridique le mont Taranaki et le fleuve Whanganui, considérés par les Maoris comme leurs ancêtres et qui revêtent pour eux une importance spirituelle particulière.

 “Nous ne pouvons plus fermer les yeux, a ajouté le grand chef Travel Tou Ariki. Les baleines jouent un rôle vital pour la santé de l’ensemble de notre écosystème océanique. Leur déclin perturbe l’équilibre délicat qui soutient toute vie dans Te Moana (la mer, NDLR).”

3- Un mois de rab’ pour couper les haies : “une aberration écologique”

 Afin de ne pas perturber la nidification des oiseaux, il est habituellement interdit de tailler ses haies entre le 16 mars et le 15 août. Mais cette année, “grâce” au ministère de l’Agriculture et à son ministre, Marc Fesneau (décidément), la période d’interdiction ne commencera que le 16 avril, ce qui donne donc un mois supplémentaire pour tailler ses haies. “Une décision catastrophique”, explique France Nature Environnement (FNE) dans un communiqué, estimant qu’en avril, les nidifications dans les haies auront largement commencé. L’élagage des haies mettra donc en danger les oiseaux et leurs nids.

Le ministère a justifié cette décision en expliquant que les fortes pluies des dernières semaines avaient empêché les agriculteurs d’avoir accès aux parcelles où se trouvaient les haies et qu’ils n’avaient donc pas pu les tailler. Pour rappel, en France, les populations d’oiseaux des milieux agricoles ont décliné d’environ 60% en 30 ans, à cause des pratiques agricoles trop intensives.

1 milliard

C’est le nombre de repas gaspillés CHAQUE JOUR dans le monde, selon un rapport de l’ONU. Ce gaspillage monumental proviendrait pour 60% des ménages, 28% de la restauration (cantines, restaurants, etc.) et 12% des supermarchés, boucheries et épiceries. En tout, l’équivalent de 1 000 milliards de dollars par an sont jetés à la poubelle.

La plus grande partie de ce gaspillage serait causée par une mauvaise évaluation des besoins alimentaires des ménages (ils achètent plus qu’ils n’ont vraiment besoin) ou encore par des portions mal dosées dans les assiettes. Le rapport pointe aussi du doigt un gâchis alimentaire important lié à des problèmes de réfrigération dans les pays en développement.

Les auteurs du rapport considèrent ce gaspillage comme un “échec environnemental”. Cette nourriture non consommée (un cinquième de la nourriture disponible, tout de même) générerait 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre… pour rien ! S’il était un pays, “ce serait le troisième émetteur de gaz à effet de serre derrière les États-Unis et la Chine”, remarque auprès de l’AFP, Richard Swannell, de l’ONG Waste & Resources Action Programme, qui a participé à l’écriture du rapport.

Ma reco de la semaine est très simple : mangeons des fruits et légumes de saison ! C’est meilleur pour le goût, pour notre santé et pour l’environnement. Désormais, chaque début de mois, je vous joindrai dans cette newsletter un visuel réalisé pour Vakita par la graphiste Claire-Sophie Pissenlit afin de découvrir en un coup d’oeil les fruits et légumes dont c’est la saison. Voici celui d’avril pour commencer (un peu pauvre en fruits, mais riche en légumes). Bon appétit !

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