La Newsletter d'Hugo Clément

Chaque mercredi sur votre boîte mail, un décryptage approfondi sur un sujet lié à l'environnement, les infos à ne pas manquer, et mes recommandations culturelles. Bonne lecture !

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Par Hugo Clément
29 nov. · 6 mn à lire
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Ces entrepôts peuvent exploser à côté de chez vous !

Ce que je vais vous expliquer concerne beaucoup de Français. Près de chez vous, se trouve peut-être un site de production ou de stockage de nitrate d’ammonium. Ce produit, utilisé comme engrais, peut exploser, comme ce fut le cas avec AZF à Toulouse ou à Beyrouth. Dans cette newsletter, nous vous révélons de graves défaillances de sécurité.

Salut tout le monde !

J’espère que vous allez bien. Cette semaine est importante pour Vakita, puisque le média d’investigation que j’ai fondé fête ses 1 an ! Depuis novembre 2023, nous avons réalisé et publié des dizaines d’enquêtes et de reportages sur l’environnement, qui ont fait bouger les lignes et révélé au grand jour des informations que certains voulaient garder cachées. Le décryptage de cette newsletter, que vous allez découvrir ci-dessous, en est un nouvel exemple.

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Bonne lecture et prenez soin de vous.

Hugo

Tout le monde se souvient de l’explosion qui a ravagé Beyrouth le 4 août 2020. Cette catastrophe, qui a fait plus de 200 morts et des dégâts colossaux.

Même horreur à Toulouse, le 21 septembre 2001, quand l’usine AZF a explosé, tuant 31 personnes. Je m’en souviens comme si c’était hier, puisque j’étais à cette époque collégien à Castanet-Tolosan, au sud de la Ville rose. Nous étions en classe lorsqu’une énorme détonation a fait trembler tout l’établissement. Heureusement, pas de dégâts dans mon collège, relativement éloigné de l’usine.

Au début, on pensait que c’était un attentat (dix jours avant, le Wall Street Center était détruit à New York par Al Qaïda), avant d’apprendre qu’il s’agissait d’AZF. Un vent de panique s’était alors emparé des élèves et de leurs parents, puisqu’une rumeur de nuage toxique s’était répandue. Ma mère était venue me chercher et nous avions découvert horrifiés les images des dégâts et des victimes.

La Une de Paris Match, suite à l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001. La Une de Paris Match, suite à l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001.

À Beyrouth comme à AZF, le coupable est clairement identifié. Il s’agit du nitrate d’ammonium. C’est l’explosion de ce produit, entreposé dans le port libanais et dans l’usine toulousaine, qui a provoqué les catastrophes.

Le nitrate d’ammonium est un engrais, appelé ammonitrate, utilisé pour fertiliser les champs. Il est si dangereux que de nombreux pays comme l’Allemagne, la Turquie, la Chine, la Belgique, l’Inde ou encore le Royaume-Uni ont décidé de l’interdire ou de l’encadrer de manière drastique. 

Mais pas la France ! Nous sommes même le deuxième plus gros consommateur au monde de cet engrais, avec plus de 1,5 million de tonnes produites, transportées, stockées et utilisées chaque année. Il existe des sites de stockage partout en France. Combien et où précisément ? Comment cet engrais circule-t-il ? Impossible de le savoir. Un rapport du Sénat daté de juillet 2022 indique que “la collecte de données fiables et précises sur les flux d'ammonitrates haut dosage en France est difficile en l'absence d'un système centralisé de suivi du trafic des matières dangereuses”.

Un stock de nitrates d'ammonium explose à Beyrouth, le 4 août 2020, faisant plus de 200 morts.Un stock de nitrates d'ammonium explose à Beyrouth, le 4 août 2020, faisant plus de 200 morts.

En France, la réglementation stipule qu’il est possible de stocker sur un site jusqu’à 250 tonnes d’ammonitrate haut dosage sans avoir à en informer les pompiers, le maire ou les voisins. À Toulouse, c’est un stock d’à peine 20 à 120 tonnes qui a provoqué l’explosion et la catastrophe que l’on connaît.

Vous voyez le problème ? On ne sait pas précisément où est entreposé cet engrais hautement explosif, ni en quelle quantité, et les entreprises ou coopératives qui en stockent ne sont pas tenues de vous informer en dessous d’un certain volume, même si ce volume suffit à provoquer un accident de grande ampleur.

Dans quelles conditions cet ammonitrate est-il stocké en France ? Pour en avoir une petite idée, Allan Henry s’est rendu pour Vakita sur l’un de ces sites de stockage, en compagnie de Paul Poulain, spécialiste des risques industriels. Pour découvrir les images, il suffit de cliquer ci-dessous.

Le site que nous avons visité se trouve en Seine-et-Marne. Nous ne dirons pas où précisément, pour des raisons de sécurité évidentes, mais il se situe à proximité immédiate de zones d’habitation. Cet entrepôt appartient à une coopérative agricole, VAL France, qui stocke de l’ammonitrate avant de l’utiliser dans les champs.

L'ammonitrate entreposé par la coopérative VAL France, quelque part en Seine-et-Marne. (photo Vakita)L'ammonitrate entreposé par la coopérative VAL France, quelque part en Seine-et-Marne. (photo Vakita)

En raison des grandes quantités d’engrais entreposées, le site doit répondre à des normes ICPE, c’est-à-dire “installations classées protection de l’environnement”. En théorie, il y a toute une réglementation très stricte à respecter pour que l’ammonitrate ne puisse pas détonner ou être détourné pour des attentats, comme ce fut le cas par exemple à Oklahoma City en 1995, où une bombe fabriquée avec du nitrate d’ammonium par un terroriste d’extrême droite avait tué 168 personnes.

Problème : ce que nous avons découvert à l’intérieur de ce centre de stockage semble être TRÈS loin de ce qu’impose la réglementation en vigueur. D’abord, sur le contrôle des accès. En théorie, l’établissement doit être fermé en dehors des horaires de travail et les personnes non autorisées ne doivent pas pouvoir accéder aux installations.

Or, nous avons pu entrer sans difficultés à l’intérieur du site en dehors des heures d’ouverture, alors qu’il n’y avait personne. Comme le montrent les images, Allan et Paul Poulain ont pu accéder au stock d’ammonitrate très facilement. “Là, n’importe qui peut venir ici remplir des seaux de cet engrais, charger sa voiture et repartir chez lui avec une matière explosive”, estime Paul Poulain. 

Un oiseau mort dans le stock d'ammonitrate, ce qui est strictement interdit, car l'engrais entreposé ne doit pas entrer en contact avec de la matière organique.Un oiseau mort dans le stock d'ammonitrate, ce qui est strictement interdit, car l'engrais entreposé ne doit pas entrer en contact avec de la matière organique.

Ensuite, le stockage. La réglementation stipule que “toutes les dispositions sont prises afin que les engrais ne soient pas soumis aux intempéries” et que “les conditions de stockage permettent une protection efficace contre tout risque possible de contamination et de dégradation des caractéristiques physiques”.

Pourtant, quand nous sommes arrivés sur le site, les ammonitrates étaient stockés en vrac et pouvaient être exposés aux intempéries. Pire encore, cet engrais peut détonner s’il entre en contact avec de la matière organique, combiné à de très fortes températures. C’est pour cela que des panneaux avertissent sur la nécessité d’empêcher les animaux d’entrer dans le lieu de stockage. Or, nous avons retrouvé deux oiseaux morts DANS le stock d’ammonitrate.

Enfin, le système de lutte contre les incendies laisse semble-t-il à désirer dans cet entrepôt, puisque nous avons constaté que la borne incendie du site était cassée et donc “dysfonctionnelle” selon Paul Poulain.

La borne incendie du site de stockage est cassée. (photo Vakita)La borne incendie du site de stockage est cassée. (photo Vakita)

Tous ces manquements posent de graves problèmes de sécurité pour les riverains du site, qui seraient directement touchés en cas d’explosion. Il y a également un vrai risque de détournement terroriste de cet engrais explosif puisque, le jour où nous y étions, n’importe qui pouvait venir récupérer l’engrais à ces fins. Contactée, l’entreprise VAL France n’a pas répondu à nos sollicitations.

Il n’y a pas que le stockage du nitrate d’ammonium qui pose problème, il y a aussi sa production.

En France, les deux gros producteurs de cet engrais sont les Autrichiens Boréalis et les Norvégiens Yara. À Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, une usine Yara produit de l’ammonitrate en très grande quantité. Elle a une capacité de stockage de plus de 100 000 tonnes. C’est quarante fois plus que ce qui a explosé à Beyrouth !

L'usine Yara, située à Montoir-de-Bretagne, produit de l'ammonitrate en grande quantité. (photo Vakita)L'usine Yara, située à Montoir-de-Bretagne, produit de l'ammonitrate en grande quantité. (photo Vakita)

Cette usine est censée être exemplaire en termes de sécurité. Elle est classée SEVESO seuil haut, la plus haute classification européenne. En théorie, elle fait donc partie des usines les plus inspectées. Mais le site de Montoir-de-Bretagne est surtout connu pour son non-respect des règles environnementales. Cet été, le groupe Yara a reçu une amende record de 519 000 euros de la part des services de l’Etat, qui lui ont ordonné de se mettre en conformité.

Mais ce que nous avons découvert n’est pas de nature à rassurer. Comme l’engrais que Yara produit peut exploser s’il est soumis à de fortes températures, provoquées par un feu par exemple, le système de sécurité incendie de l’usine doit être "au top du top”, selon le spécialiste des risques industriels Paul Poulain. 

Pourtant, les photos de l’intérieur de l’usine que nous avons pu nous procurer montrent un système de sécurité incendie dans un état catastrophique. 

Photo prise à l'intérieur de l'usine Yara, montrant un système de sécurité incendie dans un très mauvais état.Photo prise à l'intérieur de l'usine Yara, montrant un système de sécurité incendie dans un très mauvais état.

Photo prise à l'intérieur de l'usine Yara, montrant un système de sécurité incendie dans un très mauvais état.Photo prise à l'intérieur de l'usine Yara, montrant un système de sécurité incendie dans un très mauvais état.

Nous avons écrit au groupe Yara afin de leur transmettre ces photos, voici leur réponse : 

“Ces photos (…) ont déclenché automatiquement un audit interne chez Yara Montoir-de-Bretagne afin de vérifier le système sur place. Tout notre équipement de lutte contre l'incendie est conforme à la réglementation et fait l’objet de contrôles réguliers.” 

Nous avons également remis ces documents au maire de la commune de Montoir-de-Bretagne, Thierry Noguet. Et nous avons réalisé ensemble une simulation en cas d’accident grave dans cette usine. L’élu a alors découvert devant notre caméra que la mairie et de nombreuses habitations seraient détruites par le souffle de l’explosion. 

En cas d'explosion dans l'usine Yara, une très large zone, comprenant de nombreuses habitations, serait touchée. (photo Vakita)En cas d'explosion dans l'usine Yara, une très large zone, comprenant de nombreuses habitations, serait touchée. (photo Vakita)

Des familles qui vivent à proximité de l’usine ont lancé une pétition, que vous pouvez signer en cliquant ici, pour exiger la fermeture du site.

Selon nos informations, un rapport sur la sécurité du stockage et de la production de l’engrais à base de nitrate d’ammonium a été commandé par trois ministères (Industrie, Transition Écologique et Agriculture) et aurait dû sortir en 2022. Selon Jacky Bonnemains, porte-parole de l’ONG Robin des Bois, ce document, pour l’instant non publié, demanderait la fin de la production du transport et du stockage de l’ammonitrate haut dosage, à l’image de ce qu’ont déjà décidé de nombreux pays.

Si ce décryptage et cette enquête vous ont intéressés, vous pouvez vous abonner à Vakita pour nous permettre de continuer notre travail.

1- Un texte visant à réduire l’utilisation de pesticides rejeté par le parlement européen

Mercredi dernier, le Parlement européen a rejeté un texte de loi qui avait pour but de réduire de moitié l’utilisation des pesticides en Europe d’ici 2030. Il était au cœur du “Pacte vert” de l’Union européenne.

“Il n’y aura donc pas de loi européenne pour réduire les pesticides. Après avoir totalement vidé le texte de son contenu, l’alliance de la droite et de l’extrême droite a voté contre la poursuite des travaux en commission et a gagné à 30 voix. Les électeurs européens jugeront”, a déclaré dans la foulée Pascal Canfin, le Président de la commission environnement du Parlement européen sur X (ex Twitter).

2- Pour la première fois, la température mondiale a dépassé les normales de 2°C

C’est une triste première... Le vendredi 17 novembre, la température moyenne mondiale a été supérieure de 2,06 degrés à la normale. Elle a ainsi franchi le seuil fixé par l’Accord de Paris, lequel cherche à limiter l’augmentation des températures à un maximum de +2 °C par rapport à l’ère préindustrielle.

“C’est le premier jour où la température mondiale est de plus de 2 °C au-dessus des niveaux de 1850-1900 (ou pré industriels)”, a écrit la directrice adjointe de l’observatoire européen Copernicus, Samantha Burgess.

À quelques jours de la COP28 et alors que les scientifiques enregistrent mois après mois des températures anormalement hautes, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a réclamé des “mesures spectaculaires, maintenant”. 

3- Bonne nouvelle : la première réserve de cachalots va bientôt voir le jour

Cette fois, c’est une joyeuse première ! La Dominique a annoncé début novembre la création d’une zone protégée de près de 800 km2 au large de ses côtes en faveur de la protection des cachalots. “Les quelque 200 cachalots qui vivent dans notre mer sont des citoyens précieux de la Dominique”, a déclaré Roosevelt Skerrit, le Premier ministre de ce petit pays insulaire.

Un cachalot. (Photo : animauxmarins.fr)Un cachalot. (Photo : animauxmarins.fr)

Dans la zone sanctuarisée, la pêche sera interdite et les grands navires auront interdiction de circuler. Les cétacés seront donc libres d’évoluer en toute sécurité. Les cachalots étaient passés à côté de l’extinction dans les années 70, menacés par la surpêche. Aujourd’hui, ceux qui figurent parmi les plus gros mammifères du monde souffrent encore de la pêche, mais aussi de la pollution plastique.

700 000 tonnes

C’est la quantité de vêtements et de chaussures que l’on jette en France chaque année en moyenne, selon un rapport de l’éco-organisme Refashion

Rafistoler ses vêtements n’est pas un réflexe pour tout le monde et la filière du recyclage se heurte à des limites considérables. Seules 6 000 tonnes de tissus réintègrent aujourd’hui le circuit de fabrication annuellement, souvent pour être transformées en chiffons ou en isolants thermiques pour le bâtiment. Pour augmenter la durée de vie des vêtements, Refashion met en place avec le gouvernement un “bonus réparation” qui permet aux citoyens d’obtenir jusqu’à 25 euros d’aide pour rafistoler ses habits chez les artisans affiliés.

“The Minimalists”, un documentaire inspirant à voir sur Netflix

“Pour vivre heureux, vivons sans rien”. Telle pourrait être la devise de Joshua Fields Millburn et Ryan Nicodemus, deux amis américains, plus connus sous le nom de The Minimalists. À l’opposé du rêve américain, ces deux adeptes de la décroissance trouvent le bonheur dans le fait de ne rien posséder. Un documentaire inspirant à voir sur Netflix.

“Je considère le minimalisme comme une sorte de contre-récit à l'idée selon laquelle consommer plus de choses vous rendra plus heureux dans un futur hypothétique. Pour moi, le minimalisme a été un moyen de reprendre le contrôle. Nous conservons ce contrôle en continuant à agir de manière délibérée, déclare Joshua Field Millburn en marge de la promotion du documentaire. Le minimalisme a été un outil qui m'a permis de vivre de manière plus intentionnelle, une vie la plus idéale possible. Ce ne sera jamais une vie parfaite. Je le considère plutôt comme un horizon.”

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