La Newsletter d'Hugo Clément

Chaque mercredi sur votre boîte mail, un décryptage approfondi sur un sujet lié à l'environnement, les infos à ne pas manquer, et mes recommandations culturelles. Bonne lecture !

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Par Hugo Clément
19 juin · 5 mn à lire
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Cette décision lunaire du gouvernement

C'est un décret passé complètement inaperçu, publié au lendemain de l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, en pleine tempête médiatique. Le gouvernement, encore en poste pour quelques jours, a décidé de faciliter l'installation des fermes-usines en France. Je vous explique tout dans cette newsletter.

Salut tout le monde ! J’espère que vous allez bien.

Il y a quelques jours, j’ai reçu un courrier d’un juge d’instruction à la maison. Dans cette lettre, j’apprends que je vais être mis en examen suite à une plainte de Willy Schraen, le président des chasseurs français, qui quitte son poste ces jours-ci.

Willy Schraen m’attaque pour diffamation et injure publique. Pourquoi ? Pour le tweet ci-dessous, daté du 6 janvier 2023. À l’époque, il y avait un débat sur une éventuelle interdiction de la chasse le dimanche ou pendant les vacances scolaires, pour protéger les promeneurs.

Willy Schraen y était bien sûr totalement opposé et menaçait le gouvernement, en expliquant qu’une telle interdiction mettrait “la ruralité à feu et à sang”.

J’avais donc réagi avec cette formule : “Ce monsieur se comporte comme un mafieux, brandissant la menace de guerre civile pour empêcher toute régulation de son activité”.

Voilà ce qui a suffi à déclencher une plainte, puis une mise en examen qui débouchera probablement sur un procès. Willy Schraen le sait : ce type de procédure a très peu de chances d’aboutir à une condamnation. Mais ce n’est pas le but. Il s’agit en fait d’une “procédure-bâillon”, qui est là pour nous faire perdre du temps, de l’argent et de l’énergie. L’objectif ? Dissuader d’autres personnes de critiquer Willy Schraen à l’avenir, car tout le monde n’a pas les moyens et l’équipe pour affronter une procédure.

Rassurez-vous, ce type de pressions n’a aucun effet sur moi, si ce n’est celui de renforcer ma motivation à travailler sur ces sujets. Si vous souhaitez soutenir mon travail face à ces attaques, je vous invite à vous abonner sur le site de mon média Vakita en cliquant ici. Cela coûte 5 euros par mois ou 50 euros par an, et grâce à ça, nous pouvons financer nos enquêtes et nos reportages. Merci à celles et ceux qui sont déjà abonnés. Si ce n’est pas encore le cas, et si vous le pouvez, rejoignez la famille Vakita !

Bonne lecture et prenez soin de vous,

Hugo

Il a été publié le lundi 10 juin, au lendemain des élections européennes et de l’annonce par Emmanuel Macron de la dissolution de l’Assemblée nationale. En pleine tempête médiatique, et alors que le pays était sous le choc, pas étonnant que le décret 2024-529 soit passé inaperçu.

Pourtant, ce document co-signé par le Premier ministre Gabriel Attal et le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu mérite qu’on s’y attarde, car il modifie le code de l’environnement pour… faciliter l’installation de nouveaux élevages intensifs en France !

Oui, vous avez bien lu. Juste avant de quitter leurs fonctions dans quelques jours, les ministres nous laissent un cadeau empoisonné pour l’environnement et les animaux. Accrochez-vous, c’est un peu technique.

Un élevage intensif de poulets. (photo L214)Un élevage intensif de poulets. (photo L214)

Aujourd’hui, dans notre pays, les plus gros élevages intensifs sont considérés comme des ICPE, des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement, au même titre que certains sites industriels. C’est logique : quand vous concentrez beaucoup d’animaux dans un espace restreint, cela présente des risques de pollutions de l’air, de l’eau et des sols, notamment à travers les énormes quantités d’excréments produites.

On connaît tous la situation en Bretagne, où les effluents des élevages porcins polluent massivement les cours d’eau et provoquent l’apparition d’algues vertes toxiques sur le littoral.

Donc, pour protéger l’environnement et la population, si vous voulez construire un nouvel élevage intensif, vous êtes soumis à une évaluation environnementale, avec une étude d’impact systématique. Il faut, entre autres, détailler le projet, faire l’inventaire de la faune et de la flore, analyser les conséquences de l’activité, ou encore mettre en place tout un tas de mesure pour limiter les dégâts. Et si les autorités estiment que les risques pour la nature sont trop grands, le projet peut être retoqué.

C’est assez contraignant, mais c’est du bon sens, mieux vaut prévenir que guérir. Maintenant, vous allez comprendre pourquoi le décret du 10 juin est très problématique et change les règles du jeu.

Jusqu’à présent, cette évaluation environnementale était obligatoire pour tous les projets d’élevages intensifs comprenant plus de 40 000 poulets et plus de 2000 porcs. Et c’est là qu’intervient le décret 2024-529, puisqu’il augmente considérablement ce seuil !

On passe de 40 000 poulets à 85 000 poulets, plus du double, et de 2000 porcs à 3000. Cela veut dire que jusqu’à 85 000 poulets et 3000 porcs, les futurs élevages intensifs ne seront plus soumis à une évaluation environnementale obligatoire, alors que c’était le cas avant.

L'article 1 du décret 2024-529, qui facilite l'installation des fermes-usines en France. L'article 1 du décret 2024-529, qui facilite l'installation des fermes-usines en France.

Bref, ce décret rend moins contraignante l’installation des fermes-usines en France, au détriment de la protection de la nature, des animaux et des riverains. D’autant plus qu’il est assorti d’un autre décret, publié le 10 mai dernier, qui raccourcit lui le délai pour déposer un recours contre les nouveaux élevages intensifs. Avant, les citoyens et associations disposaient de 4 mois pour contester ce type de projets. Désormais, ce délai est ramené à 2 mois.

Tout est fait pour que l’agro-industrie puisse déployer ses immenses exploitations sans se faire trop embêter.

Le gouvernement défend ces décisions en expliquant que cela répond à une demande du monde agricole de simplifier les démarches d’installation de nouveaux élevages. J’ai écrit au ministre de la transition écologique, Christophe Béchu. Il m’a répondu que les études d’impact ne seront certes plus obligatoires, mais qu’elles pourront quand même se faire au cas par cas. Surtout, il assure que l’objectif de ce décret est d’aligner la France sur la législation européenne, et de ne pas imposer à nos fermes-usines des règles plus contraignantes qu’ailleurs.

Traduction : les autres font pire, donc il n’y a pas de raison de faire mieux. Je vous invite à partager cette newsletter autour de vous pour faire connaître cette information passée sous les radars.

Pour agir, vous pouvez soutenir les associations qui se battent pour les animaux d’élevage, notamment L214, très mobilisée contre les élevages intensifs. Vous pouvez également interpeller les candidats aux législatives dans votre circonscription. Ils sont actuellement en campagne électorale, et sont donc plutôt accessibles, car ils ont besoin de vos voix.

1 - L'Union européenne adopte in extremis la loi sur la restauration de la nature

Après des mois de blocages, l'Union européenne a définitivement adopté la loi sur la restauration de la nature. Texte clé du Pacte vert, qui prévoit de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre dans l’UE d’ici 2030, cette loi vise à enrayer le déclin de la biodiversité en réparant les écosystèmes abîmés et en préservant forêts, cours d'eau et terres agricoles. 

Cette issue heureuse a été rendu possible grâce à la position courageuse de la ministre de l’environnement autrichienne, Leonore Gewessler, qui a décidé de voter en faveur du texte, allant à l’encontre de la position défendue par son gouvernement conservateur. “Ma conscience me le dit sans équivoque : si la vie saine et heureuse des générations futures est en jeu, des décisions courageuses s’imposent. C’est pourquoi j’ai voté pour ce texte aujourd’hui”, a déclaré Leonore Gewessler sur X (ex-Twitter).

Qualifiée de “victoire historique” par le WWF, l’adoption de ce texte va conduire à instaurer d'ici 2030 des mesures de rétablissement des écosystèmes sur 20 % des terres et espaces marins de l'UE, et de restaurer 30 % des habitats (zones humides, forêts, etc.) en mauvais état. 

2 - La “vitrine inoubliable” de la France à l’expo universelle de Dubaï finit… en tas de ferraille

Elle devait être un modèle d’architecture durable et réutilisable, la “vitrine inoubliable” de la France à l’exposition universelle de Dubaï n’est finalement plus qu’un tas de ferraille. Ce bâtiment de 5 000 m2, construit spécialement pour l’exposition universelle de 2020 pour la somme de 36 millions d’euros, était vanté par ses promoteurs comme un exemple d'écologie et de savoir-faire français.

L'impressionnant pavillon de la France construit pour l'exposition universelle de Dubaï. L'impressionnant pavillon de la France construit pour l'exposition universelle de Dubaï.

Après l’exposition à Dubaï, le pavillon devait être démonté, puis transporté par cargo et remonté à Toulouse sur le campus du CNES, le centre national d’études spatiales. 

Sauf qu’il est désormais impossible de remonter cette “vitrine inoubliable”, car les pièces sont en trop mauvais état, explique Le Canard enchaîné.

Les pièces de la "vitrine inoubliable" de la France sont entreposées dans un campus toulousain. Les pièces de la "vitrine inoubliable" de la France sont entreposées dans un campus toulousain.

En cause, d’après le journal : la COFREX, la compagnie française des expositions, qui a confié la tâche de démontage du bâtiment à une autre entreprise que celle qui l’avait montée.

Cette dernière n’aurait pas respecté la méthode de démontage préconisée, rendant la réutilisation impossible. Résultat : les pièces sont aujourd’hui inutilisables et sont en train de rouiller sur un terrain du campus toulousain.

3 - L’Islande réautorise la chasse à la baleine

L’Islande a donné son feu vert pour la saison 2024 de chasse commerciale à la baleine. Le permis autorise la chasse de 128 rorquals communs pour la saison qui s’étend de mi-juin à septembre, a annoncé le ministère de la pêche et de l’alimentation, soit un peu moins que les 161 autorisées la saison précédente.

Les défenseurs des droits des animaux dénoncent cette nouvelle autorisation de chasser ces espèces menacées d’extinction. “Il est extrêmement décevant” que le gouvernement “ait mis de côté les preuves scientifiques sans équivoque démontrant la brutalité et la cruauté de l’abattage commercial des baleines”, a déploré auprès de l’AFP Adam Peyman de l’ONG Humane Society International. 

Un rorqual commun pêché en Islande en 2009. (photo Dagur Brynjólfsson)Un rorqual commun pêché en Islande en 2009. (photo Dagur Brynjólfsson)

En juin 2023, l’Islande avait suspendu la chasse à la baleine après la parution d’un rapport commandé par le gouvernement concluant que les méthodes de chasse employées ne respectaient pas la loi sur le bien-être animal. L’Islande fait partie des trois derniers pays du monde qui chassent la baleine, avec le Japon et la Norvège, alors que cette pratique est interdite au niveau international depuis 1986.

1 720 milliards

C’est le nombre vertigineux d’animaux aquatiques tués chaque année, selon une étude publiée dans la revue Animal Welfare de l’université de Cambridge, et repérée par l’association L214. C’est près de vingt fois plus que le nombre d’animaux terrestres tués chaque année dans le monde, qui s’établit à 80 milliards. 


Selon cette étude, l'anchois représente 28 % de ces estimations, et s'impose de loin comme l’espèce aquatique la plus exploitée par la pêche. Le nombre d’animaux aquatiques tués chaque année est probablement encore plus important, car ces chiffres excluent les captures non enregistrées comme la pêche illégale, les rejets en mer et la pêche fantôme. 

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