Vous aussi, vous déposez vos vêtements usagés dans des bennes de collecte ? Devinez où ils finissent... Nous avons enquêté sur l'itinéraire des habits donnés par les Françaises et les Français. Et nous sommes allés de surprise en surprise...
Salut tout le monde !
J’espère que vous allez bien. Ici, à Biarritz, c’est noir de monde. La semaine du 15 août est la plus chargée de l’été. Pour vous donner une idée : on est environ 25 000 habitants à l’année, contre plus de 110 000 en ce moment ! Et c’est pareil pour toutes les communes avoisinantes.
C’est évidemment un moment très important pour l’économie locale, mais pour profiter pleinement de la côte basque, de sa vie culturelle et sportive, de ses plages ou de ses vagues, je vous conseille d’y venir plutôt hors saison.
Prenez soin de vous, et bonne lecture !
Hugo
Ouvrir son placard. Retrouver au fond d’un tiroir un vieux tee-shirt, qu’on n’a pas mis depuis plus d’un an, parce que sa coupe ne nous plaît plus ou qu’il est un peu abîmé. Hésiter à le jeter mais se dire que, quand même, autant le donner, parce qu’il pourra servir à des personnes dans le besoin. Le laver, le plier, et le déposer dans une benne de collecte, avec le sentiment d’avoir fait une bonne action.
Vous vous reconnaissez ? Alors c’est que, comme moi, vous avez déjà donné un ou plusieurs vêtements. Nous sommes très nombreuses et nombreux dans ce cas. Selon l’Agence de la transition écologie (Ademe), un Français achète en moyenne 9,2 kilos de vêtements et de chaussures chaque année, alors que 68% de sa garde-robe n’a pas été portée dans les douze derniers mois, d’après une étude de 2018.
Conséquence : nous devons régulièrement nous débarrasser de certains habits pour faire de la place, et beaucoup de personnes préfèrent donner que jeter. Cela part évidemment d’un bon sentiment, mais le résultat est rarement celui attendu… Avec les équipes de mon émission Sur le front, nous avons enquêté sur le destin de ces vêtements que nous donnons.
Les données disponibles sont stupéfiantes : seuls 3% des habits donnés par les Français sont réutilisés par des Français, sur le marché de la seconde main. Que deviennent les 97% ?
Pour le découvrir, nous avons suivi le trajet des textiles déposés dans plusieurs bennes de collecte, gérées par des associations humanitaires. Parmi celles-ci : une benne située à Montceau-les-Mines, portant le logo de la Croix-Rouge. Une fois par semaine, des bénévoles viennent récupérer le contenu. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les sacs de vêtements ne sont pas distribués aux bénéficiaires de l’association caritative. Ils sont en fait vendus par la Croix-Rouge à un industriel.
Selon l’un des bénévoles avec qui nous avons échangé, le kilo est cédé pour environ 13 centimes, ce qui permet à l’association de gagner localement 8000 euros par an, afin de financer des achats d’aide alimentaire et d’autres actions sociales. Mais où vont les vêtements ? Ils rejoignent des centres de tri, souvent situés en Belgique. Nous avons pu visiter l’un d’entre eux, appartenant à l’entreprise Evadam, filiale du groupe Boer, qui possède sept sites similaires dans toute l’Europe.
Dans cet immense bâtiment, des millions de tee-shirts, pantalons, chemises, chaussures ou manteaux, en provenance notamment de France, sont réceptionnés puis triés. En fonction de leur qualité et de leur usure, leur destin ne sera pas le même. Seuls les habits quasi-neufs et sans aucune trace de détérioration seront conservés pour le marché de la seconde main européen.
Or, avec l’essor des géants de la mode à bas prix, la qualité des textiles s’est considérablement dégradée ces dernières années. “Avec la fast fashion, la production a augmenté mais la qualité a vraiment baissé, m’explique Mariska Zandvliet, la directrice de la communication du groupe Boer, qui me fait visiter le centre de tri belge. Avec les prix bas proposés à la vente, vous ne pouvez pas espérer avoir un vêtement de qualité. Ils ne sont plus fabriqués pour être portés sur le long terme. On va les mettre 2 ou 3 fois, les laver 2 ou 3 fois, ensuite ils seront jetés car ils auront l’air vieux.”
Jetés… ou donnés. Mais s’ils ont l’air vieux, comme le dit Mariska, alors personne n’en voudra, même sur le marché de la seconde main. Ainsi, sur 100 habits donnés en France, seuls 3 sont portés à nouveau par des Françaises ou des Français. Dans le centre de tri Evadam, ces habits en très bon état sont mis à part et soigneusement stockés.
Tout le reste est :
détruit et recyclé (environ 33%), notamment pour fabriquer de l’isolant pour maison ou d’autres matières en fibres
incinéré ou enfoui (environ 10%)
mais surtout (plus 50%) exporté à l’étranger
Cela se passe de la même manière dans les centres de tri français, notamment dans ceux gérés par l’association Le Relais, qui possède des milliers de bennes de collecte. Quant aux grandes enseignes, qui multiplient les campagnes de publicité pour inciter les consommateurs à ramener leurs vêtements usagers en magasin, en promettant une “nouvelle vie” pour ces articles, c’est la même chose. Grâce à des traceurs GPS cousus dans des habits rapportés par des clients dans les points de collecte de marques de fast-fashion, la fondation Changing Markets a pu déterminer qu’une majorité était soit détruite soit exportée hors d’Europe.
Les habits donnés par les Français sont donc majoritairement compressés en balles et expédiés par bateau. Où partent ces vêtements que nous avons consciencieusement déposés dans les conteneurs ? Vers le Maghreb, l’Asie (Pakistan, Inde), le Moyen-Orient et l’Afrique noire. On peut se dire que c’est une bonne chose, qu’il vaut mieux qu’ils soit réutilisés par des populations souvent pauvres plutôt que détruits. Mais en me rendant au Ghana, l’un des pays qui reçoit les habits des Occidentaux, je me suis rendu compte que la réalité n’était pas toute rose.
En 2020, quinze millions de vêtements arrivaient chaque semaine au marché de Kantamanto, situé dans la capitale, Accra. Un volume bien trop important pour être absorbé par la demande locale. D’autant que beaucoup d’habits arrivent en mauvais état : troués, tâchés, détendus… D’autres sont de meilleure qualité mais ne sont pas adaptés au climat local. J’ai vu de mes propres yeux des pantalons d’hiver ou des manteaux être débarqués d’un conteneur à Accra, alors que la température ne descend quasiment jamais sous les 25 degrés.
Résultat, selon la fondation OR : 40% des vêtements qui arrivent au Ghana partent immédiatement… dans les décharges. Et, vous vous en doutez, les décharges ghanéennes ne répondent pas au même cahier des charges que les nôtres. Il s’agit pour l’essentiel de décharges sauvages, sans aucune norme environnementale.
Je suis allé dans l’une d’entre elles, située dans un bidonville, où les habitants vivent au milieu des ordures. Des tonnes de vêtements venus d’Europe ou des États-Unis sont entassées à même le sol, mélangés à d’autres déchets, en bordure d’une rivière. On y retrouve toutes les marques les plus connues de la fast-fashion : H&M, Zara, Shein, Primark… Au milieu de cette décharge, j’ai peut-être croisé le vieux jean que j’ai déposé dans une benne de collecte quelques mois auparavant.
Une décharge dans laquelle se trouvent des vêtements venus d'Europe, à Accra, au Ghana. (photo Hugo Clément)
Au moindre coup de vent, les habits s’envolent et finissent dans le cours d’eau, direction l’océan. Sur les plages, la situation est catastrophique. Des boules de vêtements s’échouent de toute part, flottent entre deux eaux ou coulent au fond. Ce sont des pièges terribles pour les animaux marins, à la manière d’immenses filets fantômes. De plus, la plupart des habits contiennent du plastique, qui se dégrade progressivement en micro-particules. Je vous laisse imaginer les conséquences de cette pollution pour les écosystèmes marins.
Des vêtements s'entassent sur les plages du Ghana. (photo Hugo Clément)
Sur place, j’ai rencontré Solomon Noi, qui est responsable de la gestion des déchets à Accra. “Je voudrais que notre gouvernement fasse la même chose que le Rwanda et interdise l’importation des vêtements de seconde main. Gardez vos déchets textiles, on ne veut pas de vos dons ni de votre charité, nous n’avons pas les moyens de régler les problèmes des autres”, lance-t-il avec colère.
Lors de notre reportage sur les plages d'Accra, au Ghana. (photo Winter Productions)
Vu du Ghana, j’ai en effet le sentiment que les pays riches utilisent le prétexte de la seconde main pour se débarrasser de leurs vieux vêtements, qui sont en fait des déchets. Liz Ricketts, cofondatrice de la fondation OR, combat cette pollution et partage cet avis. Au Ghana, elle forme des stylistes locaux afin de transformer des vêtements inutilisables en pièces uniques, et elle tente de freiner les importations.
Avant d’arriver ici, elle a travaillé longuement dans le secteur de la mode à New York. “Au début, il y avait deux collections par an, ensuite cinq, puis une chaque semaine. J'ai commencé à me poser des questions. Le marché de l’occasion sert d’excuses aux habitants des pays riches pour consommer toujours plus, sans se soucier des conséquences de tout ce qu’ils accumulent. Tant que nous exporterons nos vieux vêtements pour en acheter des nouveaux, nous n’arriverons pas à faire du développement durable”, explique-t-elle.
La production de vêtements a doublé dans le monde entre 2000 et 2014. Plus de 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année selon l’Ademe, soit 280 millions articles vendus quotidiennement, 200 000 chaque minute et 3260 toutes les secondes. Le problème se trouve là, dans cette surconsommation.
Le marché de la seconde main est incapable d’absorber un tel volume. Produire, vendre et acheter autant d’habits conduit inévitablement à ce qu’une grande partie d’entre eux soient détruits ou jetés dans les décharges des pays pauvres. Nous achetons infiniment plus de vêtements que les générations précédentes, bien plus que ce dont nous avons besoin.
La solution, on la connaît : faire durer nos habits le plus longtemps possible, pour en acheter le moins possible. Cela passe par privilégier la qualité, plus chère mais plus durable, à la quantité, moins chère mais rapidement abîmée, jetée et remplacée. Pour les personnes qui ont des petits budgets, les magasins de seconde main et les friperies permettent de trouver des articles de bonne qualité à prix cassés.
Autre levier d’action : choisir des modèles simples, qui ne passeront pas de mode au bout de quelques mois. Par exemple, un tee-shirt blanc ou noir, sans motif et avec une coupe basique, sera probablement plus longtemps au goût du jour qu’un tee-shirt à la coupe originale ou bariolé de dessins. Posons-nous la question avant chaque achat : ai-je vraiment besoin de ce vêtement ? Vais-je le mettre régulièrement, pendant des années ?
Mais tout ne repose pas sur les épaules du consommateur. Le législateur doit aussi faire sa part. La fast-fashion, avec ses articles à 2, 3 ou 7 euros, encourage les gens à faire des achats irréfléchis, impulsifs. Il est anormal qu’un pantalon fabriqué à l’autre bout du monde, dans de terribles conditions sociales et environnementales, puisse être vendu chez nous et entrer en concurrence avec les produits des industriels français et européens qui, eux, respectent notre législation.
Quand un tee-shirt est vendu 5 euros, il y a forcément un ouvrier ou une rivière qui paye l’addition quelque part. Il ne tient qu’à nos élus français et européens de changer les règles du jeu, pour que ces produits ne puissent plus accéder aussi facilement à notre marché.
Après tout cela, vous vous demandez sûrement : que faire des vêtements dont je ne veux plus ? Si le vêtement est en très bon état, sans tâche ni traces d’usure trop visibles, vous pouvez le déposer dans des bennes de collecte ou directement auprès des associations ou des magasins solidaires. Il sera certainement réutilisé en France ou en Europe.
En revanche, s’il est en mauvais état ou qu’il présente des traces d’usure, il n’y a pas de solution miracle, car il est probable qu’il soit détruit, transformé en isolant, ou exportés dans des pays pauvres. Vous pouvez en faire un torchon… ou le déposer quand même dans un conteneur, mais en connaissance de cause. Si vous le jetez dans votre poubelle d’ordures ménagères, il connaîtra le destin des autres déchets et sera incinéré.
L’archipel américain d’Hawaï a vécu la pire catastrophe naturelle de son histoire récente. De terribles incendies ont frappé la ville de Lahaina, qui a été en grande partie détruite. Les flammes, qui se sont propagées à grande vitesse, ont pris au piège certains habitants, qui n’ont pas pu s’enfuir à temps. Le bilan est pour l’instant de 99 morts, mais il risque de s’alourdir dans les jours qui viennent selon les autorités. Les sirènes censées retentir pour prévenir la population en cas d’incendie n’ont pas été actionnées et le système d’alerte par SMS n’a pas fonctionné, par manque de réseau.
Même si l’origine du feu n’a pas encore été identifiée, cette catastrophe a été rendue possible par des vents très forts, atteignant les 100 km/h, et par une sécheresse importante touchant la région de Lahaina, en raison d’une année moins pluvieuse que d’habitude. Les experts s’accordent pour dire que le changement climatique renforce l’intensité et augmente la fréquence des sécheresses, des inondations, des incendies et, de manière plus générale, des événements météorologiques extrêmes.
On s’était habitué à des chiffres qui s’aggravent chaque été. Heureusement, cette année, les nouvelles en provenance d’Amazonie sont plutôt bonnes ! De janvier à juin 2023, la déforestation a diminué de 33,6% dans la plus grande forêt tropicale du monde. Cela ne veut pas dire que plus aucun arbre n’est coupé, mais que le rythme de défrichement ralentit. Ainsi, 2 649 km2 de forêt ont été rasés durant les six premiers mois de l’année 2023, contre 3988 km2 sur la même période en 2022. La déforestation est à son plus bas niveau depuis quatre ans.
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