La Newsletter d'Hugo Clément

Chaque mercredi sur votre boîte mail, un décryptage approfondi sur un sujet lié à l'environnement, les infos à ne pas manquer, et mes recommandations culturelles. Bonne lecture !

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Par Hugo Clément
21 févr. · 5 mn à lire
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Devinez ce qu'Adidas fait aux kangourous...

Quand on achète des chaussures de foot Adidas en magasin, on ne se doute pas de la manière dont ces chaussures sont fabriquées. Notre enquête Vakita révèle les coulisses que la marque voudrait faire oublier...

Salut tout le monde ! J’espère que vous allez bien.

Merci pour vos très nombreux messages de soutien suite à ma mise en examen dans l’affaire Pierre Cadéac, ce dresseur de cinéma qui a porté plainte contre moi pour diffamation, à la suite de notre enquête Vakita sur les maltraitances dont il est accusé. Ça fait vraiment chaud au coeur.

Pour continuer à nous soutenir et nous aider à financer nos enquêtes, vous pouvez vous abonner sur notre site. Je vous tiendrai bien sûr au courant des suites de cette affaire. Cette semaine, nos abonnés pourront découvrir notre reportage sur le surimi industriel, qui détruit les océans ET les petits pêcheurs.

En attendant, bonne lecture et prenez soin de vous !

Hugo

Elles comptent parmi les chaussures de foot les plus emblématiques au monde et on en trouve dans tous les magasins spécialisés. Les crampons Adidas jouissent d’une très bonne réputation auprès des amateurs de ballon rond.

Mais il y a une face cachée, beaucoup moins connue. Pour Vakita, Marie Lecoq a enquêté et nous avons découvert que le marque allemande faisait payer un très lourd tribu aux kangourous sauvages d’Australie. Car, oui, des chaussures de foot Adidas, comme le modèle Copa, sont fabriquées avec du cuir de kangourou, réputé confortable et de très bonne qualité.

Un kangourou géant, marsupial très répandu dans le Sud et l'Est de l'Australie (photo John Torcasio)Un kangourou géant, marsupial très répandu dans le Sud et l'Est de l'Australie (photo John Torcasio)

Dans notre enquête vidéo, disponible en cliquant ici, nous avons récupéré des images choquantes montrant des scènes de chasse, où les kangourous sont abattus, de nuit, avec des armes de guerre, avant d’être décapités sur place et transférés vers les sites industriels de transformation.

Ces trente dernières années, on estime qu’environ 90 millions de kangourous ont été tués en Australie, soit 2 à 3 millions chaque année. En 2023, le quota de chasse a été fixé à 5,1 millions de kangourous par le gouvernement australien, alors que la population totale s’élèverait à 36 millions d’individus.

Ces animaux sont aujourd’hui considérés comme des “nuisibles” alors qu’ils vivent en Australie depuis plus de 20 millions d’années et qu’ils étaient donc présents bien avant l’arrivée des premiers humains sur le continent. Ils jouent par ailleurs un rôle extrêmement important dans la fertilisation et l’aération des sols, ainsi que dans la dispersion des graines.

L’Europe est aujourd’hui largement responsable du massacre des kangourous, puisqu'elle est le premier importateur mondial de viande et de peaux de kangourous, représentant 65% du commerce total. Et Adidas joue un rôle de premier plan : l’entreprise est le leader mondial de l’achat de peaux de kangourous, 70% de ces peaux étant utilisées pour fabriquer des chaussures de foot.

Des kangourous victimes de la chasse en Australie. Ils ont été décapités et sont envoyés vers des sites de transformation.Des kangourous victimes de la chasse en Australie. Ils ont été décapités et sont envoyés vers des sites de transformation.

Pour ne pas choquer les clients, le cuir de kangourou est souvent désigné “K-Leather” ou “cuir-K” sur les chaussures de foot. Adidas ne nie pas cette pratique, mais affirme que tout est légal (ce qui est vrai), et que les kangourous sont tués “humainement”, les chasseurs ayant pour instructions de viser la tête. Ils sont également censés épargner les femelles qui portent un bébé dans leur poche, ou qui s’occupent d’un jeune.

Sauf que la réalité est bien différente… Selon les associations spécialisées, 30% des kangourous tués pendant les chasses commerciales seraient des femelles, et 400 000 bébés kangourous (appelés des “joeys”) sont tués de façon directe ou indirecte, lorsque leur mère est abattue et qu’ils ne peuvent pas survivre seuls.

Par ailleurs, selon une étude menée sur une période de 10 ans, 40% des kangourous visés par les chasseurs ne sont pas tués instantanément. “Jusqu’à 40% des kangourous tués à des fins commerciales ne reçoivent pas une balle correctement dans le cerveau, mais sont plutôt touchés à la mâchoire, aux yeux, aux oreilles, au cou ou au corps, ce qui signifie qu’ils meurent d'une mort lente et douloureuse”, précise l’étude.

Nous avons pu le constater dans les images récupérées pour notre enquête. On peut y voir des kangourous gravement blessés, notamment un avec la mâchoire arrachée, qui agonisent plusieurs heures après avoir été touchés. Sur les vidéos, on découvre aussi des femelles abattues avec un bébé encore vivant, toujours présent dans la poche ventrale…

Malgré ces éléments accablants, Adidas ne remet pas en cause sa méthode de fabrication. Il est pourtant possible de faire autrement. En 2023, les deux géants Nike et Puma se sont engagés à cesser de produire des produits à base de peaux de kangourou. Début 2024, New Balance a pris la même décision. Et côté mode, Prada, Versace ou encore Gucci ont déjà cessé d’utiliser la peau de kangourou.

Si vous souhaitez agir, n’hésitez pas à partager cette newsletter et notre enquête Vakita autour de vous, afin d’informer les amateurs de foot de cette réalité méconnue. Vous pouvez aussi faire un don à Eurogroup for animals, une association européenne qui se mobilise pour faire cesser les importations de peaux de kangourous en Europe.

1 - Sous pression, l’Inrae supprime un post sur la cuisine végétale

Un message de l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), posté sur X (ex Twitter) le jour de la Saint-Valentin a provoqué le courroux de la FNSEA, le premier syndicat agricole. Ce post était consacré à la place de la viande et du végétal dans la cuisine française, objet d’étude d’un des doctorants de l’Inrae, Arnaud Lamy, dont l’article est lui toujours en ligne sur le site de l’Institut. Voici une partie du tweet initial, depuis supprimé, repéré par le chercheur Romain Espinosa. 

Le message publié sur le compte X de l'Inrae le 14 février dernier et supprimé depuis.Le message publié sur le compte X de l'Inrae le 14 février dernier et supprimé depuis.

Ce post, qui met en avant les avantages objectifs de la cuisine végétale, peut sembler anodin. Mais il a provoqué la colère des défenseurs de l’agro-industrie… Dans un communiqué commun, la FNSEA a dénoncé “une réelle provocation”, doublée d’un “positionnement anti-viande qui est de nature à opposer et à stigmatiser les éleveurs”. Sur X, le vice-président de la FNSEA est allé plus loin, estimant qu’il y avait “urgence à remettre cette agence sous contrôle politique”. Quelques heures plus tard, le post en question était supprimé. Rappelons que l’Inrae est un organisme de recherche scientifique, qui n’a pas vocation à faire de “politique”, mais qui mène simplement un travail de recherche rigoureux.

La décision de supprimer ce post a heurté la climatologue du GIEC Valérie Masson-Delmotte. “Je suis très inquiète des pressions s'exerçant sur les institutions académiques pour restreindre la communication de résultats de la recherche, notamment lorsqu'ils abordent des enjeux de soutenabilité”, a-t-elle réagi. Depuis, l’Inrae s’est justifié en expliquant que le ton du message était “maladroit” et “réducteur” vis-à-vis de l’article. Le chemin est encore long avant de faire changer les mentalités autour de l’alimentation…

2 - Les pêcheurs de Saint-Malo dénoncent les ravages de la pêche industrielle

Le bateau-usine “Annelies-Ilena”, l’un des plus grands chalutiers du monde.Le bateau-usine “Annelies-Ilena”, l’un des plus grands chalutiers du monde.

On le surnomme “le navire de l’enfer”. Il mesure 144 mètres de long pour 24 mètres de large et peut capturer 400 000 kilos de poisson par jour tout en étant capable d’en stocker 7 000 tonnes. Le bateau-usine “Annelies-Ilena”, l’un des plus grands chalutiers du monde, provoque la colère des pêcheurs artisans et des défenseurs de la pêche durable, comme l’association Pleine Mer. 

Réunis jeudi dernier devant la sous-préfecture de Saint-Malo, ils ont dénoncé la décision de la Compagnie des pêches de Saint-Malo d’investir 15 millions d’euros dans ce monstre des mers. Cet investissement doit servir à créer une nouvelle unité de production de surimi à bord de ce bateau-monstre, censé cibler uniquement le merlan bleu.

Énième aberration, ce chalutier est trop grand pour rentrer dans le port de Saint-Malo, où se trouve l’usine de transformation de surimi. Sa cargaison devra donc être débarquée aux Pays-Bas, puis transportée par la route jusqu’à l’usine qui produit des bâtonnets de surimi.

3 - Des chasseurs appellent à “réguler” la population de lynx, espèce en danger d’extinction en France

Dans le Doubs, une association de chasseurs demande à la Fédération départementale de chasse de “déclasser” le statut de protection du lynx boréal, espèce en danger d’extinction sur le sol français. Objectif selon ces chasseurs : “réguler” la présence de l’animal pour garantir “l'équilibre agro-sylvo-cynégétique". Selon eux, le lynx représenterait une menace pour "la pérennité des espèces chevreuils et chamois sur nos territoires de chasse". Comprenez : en tant que prédateur naturel, les lynxs réduiraient la présence des cervidés chassables sur ce territoire.  

Ce discours peut fait sourire quand on sait que les chasseurs du Doubs vont eux-même abattre près de 8000 chevreuils et 900 chamois lors de cette saison de chasse 2023-2024. Pour Vakita, William Thorp a contacté l’association de chasse qui veut “réguler” les lynxs, et la conversation vaut le détour

Le Centre Athénas, association de soin et de défense de la faune sauvage en Bourgogne - Franche-Comté, a immédiatement réagi. Dans un communiqué, l'organisme dénonce "une haine du lynx et une radicalisation des chasseurs”. Contacté par Vakita, son président Gilles Moyne dénonce une “action moyenâgeuse, hors-sol, par des gens qui ont une totale méconnaissance de l’espèce. Ce sont des chasseurs qui ne se préoccupent que de remplir leurs congélateurs.”

De son côté, la Fédération départementale de chasse du Doubs a également réagi. “Les tirs et les prélèvements de lynx sont illégaux et nous n'allons pas revenir dessus", a assuré Thibaut Powolny, responsable environnement à la Fédération.

Un lynx boréal photographié dans le massif du Jura par le photographe et activiste animalier Guillaume François.Un lynx boréal photographié dans le massif du Jura par le photographe et activiste animalier Guillaume François.

1 600 000 000 000

Ce chiffre est tellement démesuré qu’on peine à le lire. Chaque année, en moyenne, 1 600 milliards d’animaux marins sont pêchés, selon le résultat d’une étude publiée début février dans la revue Animal Welfare, qui propose un nouveau calcul du nombre de poissons sauvages pêchés tous les ans dans le monde.

Sur la période 2000-2019, l’étude estime qu’entre 1 100 et 2 200 milliards de poissons sauvages ont été pêchés par an, soit une estimation moyenne de 1 600 milliards d’animaux pêchés chaque année. Un peu plus de la moitié des poissons capturés (56%) seraient transformés pour produire de la farine de poisson ou de l’huile, à destination des animaux d’élevage.

Ces chiffres restent pourtant sous-estimés par rapport à l’impact total de la pêche sur la faune marine. En effet, cette étude ne prend pas en compte les poissons capturés et rejetés en mer, ou encore les captures non enregistrées issues de la pêche illégale.

“Y a plus de saisons !”, avec l’hilarante Swann Périssé

Elle réussit le pari de parler d’écologie en étant drôle et sans nous donner l’envie de nous pendre. Et rien que pour ça, elle mérite qu’on aille la voir sur scène ou qu’on l’écoute en podcast. Depuis octobre dernier, l’humoriste Swann Périssé reçoit des experts et personnalités du monde écologique pour son émission-spectacle désormais culte, intitulée “Y a plus de saisons”.

Des entretiens longs, abordés avec beaucoup d’humour et un brin de taquinerie envers les invités, “histoire d’exploiter à fond le comique de la fin du monde”. Sont déjà passés sous les punchlines de Swann : Jean-Marc Jancovici, Camille Étienne ou encore Claire Nouvian, de l’ONG Bloom. Ce sera bientôt à mon tour de me plier à l’exercice, courant mars. Je vous communiquerai la date bientôt !

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