Salut tout le monde !
J’espère que vous êtes en forme et que vous avez bien profité de votre été.
C’est la rentrée : ma chronique sur France Inter reprend ce matin (7h20 ou en podcast), mon émission Sur le front revient lundi prochain (4 septembre) à 21h sur France 5, de grosses enquêtes arrivent sur Vakita.fr (l’équipe a bossé tout l’été, abonnez-vous !) et j’ai de nouveaux projets à vous annoncer dans les prochaines semaines. Hâte !
En attendant, bonne lecture et prenez soin de vous.
Hugo
On aurait pu penser qu’ils allaient se rendre à l’évidence. Que la multiplication des épisodes caniculaires, avec des températures dépassant de plus en plus souvent les 40 degrés, allait les pousser à changer leur fusil d’épaule. Mais non. Rien n’y fait. Vagues de chaleur après vagues de chaleur, certains maires continuent à faire abattre des arbres anciens en parfaite santé, ou à vouloir le faire, pour réaliser des projets immobiliers ou des aménagements urbains.
Le Groupe National de Surveillance des Arbres (GNSA) tient une liste des zones boisées actuellement menacées en France. Elle n’est pas exhaustive, tant il est difficile de recenser l’ensemble des projets, mais elle donne déjà une bonne idée de la situation. Voici quelques exemples d’arbres qui risquent d’être prochainement coupés.
Abattage d'arbres à Montreuil, pour un projet d'aménagement urbain. (photo Winter Productions)
La région parisienne particulièrement touchée
À Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, 19 savonniers (aussi appelés arbres à lanternes) vont être abattus sur une place du centre-ville pour des “travaux de réaménagement”. Ils ne sont pas malades et peuvent vivre jusqu’à 200 ans, mais la commune estime que leur coupe est nécessaire pour mener ses travaux à bien.
À Paris, dans le 19ème arrondissement, où la population souffre pourtant d’un environnement ultra-bétonné, une quinzaine d’arbres, dont onze marronniers, devraient être coupés prochainement pour construire une crèche. La crèche existante, située sur le trottoir d’en face, va être détruite pour laisser place à un immeuble d’habitations.
À Argenteuil, dans le Val d’Oise, la mairie veut abattre une centaine d’arbres sur l’île Héloïse, dont des spécimens centenaires, pour construire un ensemble immobilier, comprenant des tours et un centre commercial.
Toujours dans le Val d’Oise, à Bezons cette fois, la commune souhaite couper 24 platanes dans un square pour le réaménager et planter d’autres essences. Au début, l’équipe municipale prétendait que les arbres étaient malades, mais l’expertise mandatée par le GNSA a conclu le contraire. Dans la même ville de Bezons, il est aussi prévu de raser d’anciens jardins partagés pour créer des logements et d’autres bâtiments.
À Champigny-sur-Marne, l’édile veut supprimer 109 platanes d’alignement, qui apportent ombre et fraîcheur aux habitants, au motif que la moitié d’entre eux seraient “malades”.
Des habitants de Bagnolet observent la destruction de la bergerie de la Pêche d'Or et de ses arbres. (photo Winter Productions)
Une forêt urbaine et des espèces protégées détruites pour un projet immobilier
À Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis, un énorme projet immobilier porté par BNP-Paribas, avec le soutien de la maire, va conduire à la destruction d’une forêt urbaine, comptant près d’un millier d’arbres, dans laquelle la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) a recensé 24 espèces d’oiseaux et deux espèces de chauves-souris protégées.
Toujours dans ce département, à Pantin, environ 40 arbres sont menacés par l’aménagement d’un centre de la Fédération française de rugby.
À Peymeinade, dans les Alpes-Maritimes, la mairie souhaite détruire 72 beaux et grands arbres dans le cadre de la création d’une ZAC. À Fuveau, dans les Bouches-du-Rhône, le propriétaire d’un golf projette de raser 20 hectares de forêt pour construire 132 villas de luxe, ce qui menace 43 espèces protégées.
On pourrait continuer longtemps… Malheureusement, des projets similaires existent aux quatre coins de la France et les victimes sont toujours les mêmes : les arbres. Ils sont pourtant nos alliés les plus efficaces pour abaisser les températures en ville. Pour s’en rendre compte, il suffit de passer d’une rue arborée à une rue non arborée en plein été. La différence est flagrante.
Notre expérience pour comprendre l’importance des arbres
Dans le cadre du nouveau numéro de mon émission Sur le front, diffusé lundi 4 septembre à 21h sur France 5 et intitulée “Comment échapper à la canicule en ville ?”, nous avons fait une expérience en compagnie de Tangui Le Dantec, architecte de formation et enseignant d’écologie appliquée. Armé de son thermomètre infrarouge, qui permet de mesurer la température du sol, nous nous sommes promenés à Paris un jour de forte chaleur.
Tangui Le Dantec et son thermomètre infrarouge. (photo Winter Productions)
Place de l’Opéra, où il n’y a que du béton, nous avons mesuré 59 degrés au sol. À cette température, quelqu’un qui tombe peut se brûler. La température de l’air est bien sûr moins élevée, autour des 39 degrés, mais le bitume accentue la chaleur et l’emmagasine pendant la journée pour la restituer une fois le soleil couché, rendant la nuit plus chaude. Cela crée des îlots de chaleur urbain. À Rennes, par exemple, il faisait 20,1 degrés à 5h30 le 25 juin dernier dans le centre-ville, contre 13,7 degrés en périphérie, soit 6,4 degrés de différence !
À proximité de la place de l’Opéra, nous effectuons la même mesure sous une ombrière installée par la mairie. Le thermomètre affiche 40 degrés au sol. Ce sont 19 de moins qu’en plein soleil, mais cela reste très chaud.
En marchant quelques dizaines de mètres, nous arrivons ensuite sur une avenue bordée par quelques arbres. À l’ombre de ceux-ci, le thermomètre affiche cette fois 27 degrés au sol. Plus de 30 de moins que le bitume, et 13 de moins que sous l’ombrière artificielle.
Le secret des arbres : l’évapotranspiration
Pourquoi les arbres sont-ils si efficaces ? Ce n’est pas seulement parce qu’ils font de l’ombre. C’est aussi grâce à l’évapotranspiration : l’arbre absorbe l'eau du sol, qui est transportée jusqu'aux feuilles. À ce niveau, l’eau est rejetée sous forme de vapeur d’eau. Pour transformer l’eau liquide en vapeur d’eau, l’arbre utilise une partie de la chaleur de l’air, et fait baisser la température à proximité.
L'arbre est un puissant climatiseur naturel ! Un grand chêne peut ainsi rejeter 1000 litres d’eau par jour en transpirant. Il y a donc une urgence impérative à cesser de couper les grands spécimens qui vivent dans les centres urbains. L’argument opposé par les communes est tout le temps le même : “On coupe, mais on replante encore plus !”
Couper des vieux arbres pour planter des jeunes : un non sens !
Cette logique est pourtant un non-sens scientifique : la plantation de jeunes arbres ne compense JAMAIS la coupe d’arbres matures, comme l’explique depuis longtemps le grand botaniste Francis Hallé. Déjà parce qu’il faudra attendre des décennies pour que les jeunes arbres nous apportent les mêmes bienfaits, en ombre, en évapotranspiration et en captage de CO2. Or, en pleine urgence climatique, nous n’avons pas des décennies devant nous pour adapter nos villes. Si vous souhaitez une explication plus détaillée, notamment sur l’importance de la surface foliaire (le nombre de feuilles), vous pouvez regarder ma chronique de France Inter consacrée à ce sujet en cliquant ici.
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