La Newsletter d'Hugo Clément

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Par Hugo Clément
28 févr. · 5 mn à lire
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Où est passé le milliard d'arbres du Président ?

Quand on a commencé à enquêter sur la face cachée des forêts françaises, on ne s'attendait pas à trouver autant de choses... Avec les équipes de "Sur le front", on s'est intéressé à la promesse d'Emmanuel Macron de planter "un milliard d'arbres", et on est tombé de notre chaise en découvrant la réalité ! Décryptage dans cette newsletter.

Salut tout le monde !

J’espère que vous allez bien.

Ça y est : les deux premiers tomes de “Mission planète”, ma série de livres pour enfant, sortent aujourd’hui en librairie !

Consacrés aux animaux et aux océans, ces deux livres réalisés avec Alice Durand et illustrés par Perceval Barrier sont un mélange de pages informatives adaptées aux enfants, de jeux, et d’activités à faire en famille.

L’objectif est de les sensibiliser à l’écologie de manière positive et ludique, sans les ennuyer et, surtout, sans leur faire peur !

Les “Mission planète” sont destinés aux enfants qui savent lire et à ceux de 4 ans et + en lecture accompagnée. Ils sont disponibles dans toutes les librairies et magasins spécialisés. Vous pouvez également les commander sur internet en cliquant ici.

J’ai hâte d’avoir vos retours et surtout d’avoir les impressions de vos enfants !

En attendant, bonne lecture et prenez soin de vous.

Hugo

Vous vous souvenez de la promesse d’Emmanuel Macron de planter 1 milliard d’arbres en France ? Eh bien nous avons enquêté avec mes équipes de l’émission Sur le front sur France 5, et la réalité fait un peu moins rêver que les annonces. Notre enquête est disponible gratuitement et en intégralité pendant une semaine sur le site de France Télévision en cliquant ici.

Nous nous sommes rendus compte qu’une partie des subventions versées par le plan France Relance pour atteindre ce fameux milliard d’arbres étaient versées pour replanter des forêts qui venaient… d’être entièrement rasées !

On l’a constaté sur le terrain en Dordogne, où une parcelle entière a été coupée par une énorme machine, appelée “abatteuse”. Douze hectares détruits en une seule fois ! L'État ne finance pas la coupe en elle-même, mais il finance une partie de la replantation. Le propriétaire touche donc l’argent de la vente du bois ET l’argent de la replantation.

Une abatteuse en action sur une parcelle de Dordogne. (image Sur le front, Winter Productions)Une abatteuse en action sur une parcelle de Dordogne. (image Sur le front, Winter Productions)

Selon Sylvain Angerand, ingénieur forestier et fondateur de l’association Canopée, ce système inciterait financièrement les propriétaires à raser des parties de forêts, pourtant en bonne santé. Au nom du “milliard d’arbres”, on rase donc des arbres qui avaient de l’avenir, pour planter à la place de jeunes pousses, qui n’arriveront peut-être jamais à maturité.

Les coupes rases laissent des plaies béantes dans les forêts. (image Sur le front, Winter Productions)Les coupes rases laissent des plaies béantes dans les forêts. (image Sur le front, Winter Productions)

Car les données scientifiques sont très claires : si la superficie des forêts a augmenté en France ces derniers siècles, la vitesse de croissance du bois et la santé des arbres, elles, déclinent à cause du changement climatique et des sécheresses à répétition. Un arbre planté aujourd’hui a moins de chances de survivre qu’auparavant et poussera moins rapidement que ses ancêtres.

Yannick Baraban, forestier à l’Office national des forêts, me l’a démontré sur une parcelle dans la Meuse. Avant, il y avait une forêt diversifiée, qui a été arrachée lors d’une coupe rase. Des sapins ont été plantés à la place. Sauf que ce fut un fiasco. La première année, quasiment 100% des jeunes plants sont morts. La deuxième année, rebelotte : nouvelle plantation, même échec. La plupart des petits arbres sont morts. Et la troisième année ? Le résultat fut le même. La majorité des jeunes plants n’a pas survécu. Bilan : beaucoup d’arbres plantés, qui entreront en compte dans le calcul du fameux “milliard d’arbres”, mais quasiment aucun survivant.

Yannick, forestier à l'ONF, me montre l'échec d'une plantation dans la Meuse. (image Sur le front, Winter Productions)Yannick, forestier à l'ONF, me montre l'échec d'une plantation dans la Meuse. (image Sur le front, Winter Productions)

“En même temps, ce n’est pas étonnant, souligne Sylvain Angerand. Ces sapins ont besoin d’un couvert forestier pour pousser au début de leur vie, avec de l’ombre. Là, on rase tout et on les plante en plein soleil. Forcément, ils meurent.”

“Ce n’est plus un métier de forestier, ajoute Yannick Baraban. On a le moral dans les baskets avec ce genre de choses… On nous demande presque plus de récupérer de l’argent que de faire de la forêt. On s’en moque que ça ne marche pas, il faut planter.”

En fait, dans la plupart des cas, les forêts n’ont pas besoin que l’on plante pour se régénérer. La nature est bien faite et a horreur du vide, et les arbres qui meurent ou que l’on coupe laissent la place à des jeunes pousses, qui vont grandir sans avoir besoin de nous.

Bien sûr, nous avons besoin de bois et il ne s’agit pas d’arrêter d’exploiter les forêts. Mais nous pouvons le faire en coupant les arbres au cas par cas, dans différentes parcelles, en respectant l’équilibre global de la forêt et, surtout, sans raser plusieurs hectares d’un seul tenant, ce qui détruit l’habitat des animaux sauvages et fragilise la séquestration du carbone.

Une parcelle dans la Meuse, où les opérations de plantation ont échoué trois années de suite. (image Sur le front, Winter Productions)Une parcelle dans la Meuse, où les opérations de plantation ont échoué trois années de suite. (image Sur le front, Winter Productions)

Pendant notre enquête pour Sur le front (je vous rappelle que vous pouvez la voir gratuitement ici), nous avons découvert une autre aberration, qui concerne cette fois une énergie présentée comme “verte” : la biomasse.

C’est vrai que ça fait écolo « biomasse », y’a bio dedans, c’est rassurant. Sauf que la biomasse, en fait, ce n’est rien d’autre que brûler du bois pour faire de l’électricité. La France a décidé d’arrêter de brûler du charbon, car c’est extrêmement polluant, mais certaines centrales repartent en brûlant du bois et deviennent ainsi des centrales à biomasse.

C’est le cas du célèbre site de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, ancien bastion du charbon. Quand elle sera à pleine puissance, cette centrale sera capable de brûler 800 000 tonnes de bois par an. On pourrait penser qu’il s’agit uniquement de déchets de scierie ou de branches mortes… mais ce n’est pas suffisant pour alimenter le site.

La centrale à biomasse de Gardanne, ancienne centrale à charbon, qui brûle désormais du bois pour produire de l'électricité. (image Sur le front, Winter Productions)La centrale à biomasse de Gardanne, ancienne centrale à charbon, qui brûle désormais du bois pour produire de l'électricité. (image Sur le front, Winter Productions)

En enquêtant sur place, on a découvert que la centrale à biomasse de Gardanne brûle aussi des arbres entiers, transformés en copeaux. Il y a d’ailleurs des milliers de troncs stockés sur le site. D’où vient tout ce bois ? Des forêts alentours ? Pas seulement.

Nous avons suivi les camions et nous nous sommes rendus compte qu’une partie des arbres arrivaient par bateau au port de Fos-sur-Mer, là aussi sous forme de copeaux. Et devinez d’où arrivent les bateaux ? On a eu du mal à y croire, mais on a bien vérifié : le bois brûlé à Gardanne pour faire de l’énergie “verte” vient notamment… du Brésil ! À plus de 10 000 kilomètres de là.

Des milliers de troncs d'arbres attendent d'être transformés en copeaux et brûlés, sur le site de Gardanne. (image Sur le front, Winter Productions)Des milliers de troncs d'arbres attendent d'être transformés en copeaux et brûlés, sur le site de Gardanne. (image Sur le front, Winter Productions)

Selon un document interne de Gazel Energie, le groupe qui gère le site, la centrale de Gardanne peut importer jusqu’à 150 000 tonnes de bois de ce pays sud-américain. Je vous laisse imaginer le bilan carbone de l’opération…

Et comment ces arbres brûlés en France sont-ils exploités, sur place, au Brésil ? Là encore, nous sommes tombés de notre chaise en nous randant sur place et en découvrant d’immenses plantations d’eucalyptus, dans lesquelles les ouvriers répandent du glyphosate entre chaque rangée pour tuer toutes les autres plantes. Ça commence à faire beaucoup pour une énergie soit-disant verte…

Une plantation d'arbres au Brésil, qui sont ensuite exportés, notamment en France, pour être brûlés. (image Sur le front, Winter Productions)Une plantation d'arbres au Brésil, qui sont ensuite exportés, notamment en France, pour être brûlés. (image Sur le front, Winter Productions)

Un ouvrier brésilien épand du glyphosate entre les rangées d'arbres pour tuer toutes les autres plantes. (image Sur le front, Winter Productions)Un ouvrier brésilien épand du glyphosate entre les rangées d'arbres pour tuer toutes les autres plantes. (image Sur le front, Winter Productions)

On pourrait se dire que c’est toujours mieux que de brûler du charbon. Eh bien… non ! À quantité d’énergie produite équivalente, brûler du bois peut même être pire pour l’environnement que brûler du charbon.

Par exemple, selon des chiffres du CITEPA, une association d’experts de la pollution atmosphérique, la combustion du charbon dégage 94 kilos de CO2 par gigajoule produit. Le bois, lui, en dégage 101 kilos par gigajoule.

Et ce n’est pas tout… Le charbon dégage un gramme de méthane par gigajoule, le bois, c’est 30 grammes par gigajoule, 30 fois plus. Les particules fines ? Pour le charbon, un gramme par gigajoule. Pour le bois, dix grammes par gigajoule. Les dioxynes ? Pour le charbon, 10 nanogrammes par gigajoule. Le bois… 40 nanogrammes. 4 fois plus !

Avec de telles données, le développement tous azimuts des centrales à biomasse pose sacrément question…

Pour approfondir le sujet et découvrir aussi les solutions alternatives qui existent, notre enquête Sur le front est disponible gratuitement en replay.

Merci à toutes celles et ceux qui y ont contribué. Je vous invite également à soutenir l’association Canopée, qui lutte pour des forêts vivantes et contre l’exploitation industrielle.

1 - Le Parlement européen adopte la loi sur la restauration de la nature

C’est l’un des piliers du Green Deal qui vient d’être sauvé, malgré la forte opposition des députés europpéens de droite et d’extrême droite, ainsi que de certaines organisations agricoles. Le Parlement européen vient d’adopter la loi sur la restauration de la nature, une législation destinée à enrayer le déclin de la biodiversité en imposant aux 28 pays de l’Union européenne de restaurer 30 % des écosystèmes en péril d’ici 2030, 60 % d’ici 2040 et 90 % d’ici 2050. Pour entrer en vigueur au niveau national, le texte doit désormais être approuvé par chaque État membre. 

Voté sur le fil du rasoir à une quinzaine de voix près, ce texte entérine l’accord conclu en novembre dernier par les négociateurs du Parlement et des États membres. Lors de cet ultime round de négociation, des concessions importantes avaient été faites en faveur du monde agricole, comme la possibilité de ne pas respecter les objectifs de restauration en cas de menaces graves sur la sécurité alimentaire.

2 - Le gouvernement interdit (encore) les mentions “steak” ou “saucisse” pour les produits végétaux

Cachez ce steak végétal que le gouvernement ne saurait voir !Cachez ce steak végétal que le gouvernement ne saurait voir !

Le gouvernement vient de publier un nouveau décret pour interdire, d’ici trois mois, de nommer des produits végétaux par des noms de produits carnés. Selon les autorités et le lobby de la viande, ces termes créeraient de la confusion dans la tête du consommateur. Comment prendre les gens pour des imbéciles… Qui a déjà confondu un steak de boeuf et un steak de soja, sérieusement ?

Le gouvernement avait déjà publié un décret similaire en juin 2022, qui a depuis été suspendu par le Conseil d’Etat. Il n’est donc pas certain que ce nouveau décret soit appliqué au final.

Mais s’il entrait en application, voici quelques termes dont l’utilisation deviendrait interdite pour la “désignation de denrées alimentaires comportant des protéines végétales” : steak, faux filet, rumsteck, escalope, bifteck, ou encore escalope... Le décret prévoit des amendes maximales de 1 500 euros pour une personne physique et de 7 500 euros pour une entreprise. Une période de transition d’un an est prévue pour permettre aux industriels d’écouler les stocks existants.

Ce décret est particulièrement injuste, puisqu’il ne concerne QUE les entreprises françaises. Autrement dit, seuls les fabricants français de produits végétaux (qui utilisent souvent des denrées agricoles françaises) seront pénalisés, et pas les groupes étrangers, qui pourront continuer à vendre librement chez nous des “steak végétaux” ou des “saucisses végétales”. Lunaire !

3 - Bonne nouvelle : le Bangladesh interdit l’adoption d’éléphants sauvages

La Haute cour de Dacca, la capitale du Bangladesh, vient d’interdire l’adoption d’éléphants sauvages dans le pays. Cette décision fait suite à l’action en justice portée par la fondation People for Animal Welfare, un groupe de défense des droits des animaux au Bangladesh. Les militants du bien-être animal espèrent ainsi mettre fin à “l’Hadani”, une méthode de dressage brutale consistant à capturer des éléphanteaux à l’état sauvage, puis à les enchaîner et à les maltraiter durant des mois pour les “casser” et les rendre dociles pour les activités touristiques, comme les balades à dos d’éléphants. 

L'éléphant d'Asie est classé en danger d'extinction, selon l'UICN.L'éléphant d'Asie est classé en danger d'extinction, selon l'UICN.

Le Bangladesh était autrefois l’un des principaux foyers d’éléphants d’Asie, mais la population de pachydermes y a été décimée par le braconnage et la destruction de leurs habitats naturels. Selon les chiffres de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), il y aurait au Bangladesh près de 100 éléphants d’Asie en captivité et à peu près le double à l’état sauvage.

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C’est le nombre de scientifiques qui dénoncent, dans une tribune publiée par le journal Le Monde, la “régression pour la santé et l’environnement” provoquée par les annonces du gouvernement suite à la colère agricole, notamment la suspension du plan de réduction des pesticides. Ce collectif, constitué de chercheurs spécialistes des questions d’écologie et de santé, rappelle le consensus scientifique établi sur les effets délétères des intrants de synthèse (fertilisants minéraux et pesticides chimiques) sur les écosystèmes, mais aussi sur la santé humaine.

“De nombreuses maladies, dont certains cancers, ont une plus forte prévalence chez les agriculteurs, qui sont ainsi les premières victimes de l’exposition aux pesticides et de la dégradation de l’environnement”, écrivent les signataires. Les scientifiques appellent les pouvoirs publics à bifurquer “vers une agriculture soutenable, pilier de la transition écologique à venir, et rémunératrice des agriculteurs, plutôt que l’enfermement dans un modèle destructeur pour l’agriculture, les agriculteurs et l’environnement.” 

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